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Choisir de rêver : le pouvoir de la communauté et du Programme d’étudiantes et d’étudiants réfugiés

*Ce billet de blog a été écrit par la blogueuse invitée Acha Divine Patandjila, qui a emménagé au Canada en décembre 2020 dans le cadre du Programme d’étudiantes et d’étudiants réfugiés. En juin dernier, elle a obtenu son diplôme du Humber College et s’est vue remettre le prestigieux Prix du Conseil des gouverneurs pour sa réussite. Dans cet article, elle raconte son expérience inspirante au sein du Programme d’étudiantes et d’étudiants réfugiés et traite du pouvoir de la communauté. Elle offre également quelques conseils aux jeunes qui arrivent au Canada cet automne.

Choisir de rêver : le pouvoir de la communauté et du Programme d’étudiantes et d’étudiants réfugiés

Ce que je préfère à Kampala, c’est le « kasana », ce qui signifie soleil en argot ougandais. J’aime la façon dont il brille sur ma peau, en reflétant la beauté et la royauté.

Lorsque ma famille et moi avons quitté la République démocratique du Congo (RDC) en raison de la guerre et du conflit civil, Kampala nous a ouvert ses bras afin que nous y trouvions refuge. C’est alors qu’on a reçu le titre de « personne réfugiée » et son statut, une appellation que plusieurs ont tendance à dépriser. Pourtant, jamais ce titre n’a été une contrainte à mes yeux. Je suis peut-être grande, mais mes rêves ont toujours été encore plus grands que moi et je me devais de les réaliser à tout prix.

Après l’école secondaire, j’ai posé ma candidature pour le Programme d’étudiantes et d’étudiants réfugiés de l’EUMC par le biais de Windle International Ouganda. C’était le premier pas vers mon rêve. Bien que Kampala était un endroit merveilleux qui en abritait plus d’un, les études m’appelaient. Le désespoir était omniprésent, alors le programme représentait la lumière au bout du tunnel dont j’avais besoin à cette époque. Seulement entre 20 et 25 jeunes sont sélectionnés parmi des centaines de candidates et de candidats chaque année. Il s’agissait de la deuxième cohorte provenant d’Ouganda.

Se rendre à la fin du processus fut un combat. Heureusement pour moi, je suis une guerrière qui a défié les probabilités en quittant mon pays et j’y suis parvenue. J’ai été choisie! La force que cette aventure m’a apportée me motive et me rend optimiste. Chaque jour, je me lève et je choisis de rêver, c’est presque la seule chose que je sais faire.

Le 17 décembre 2020 fut irréel. J’ai serré ma famille dans mes bras avant de lui dire au revoir et de quitter ma petite sœur en sanglots.

Sa seule sœur s’en allait pour Dieu ne sait quoi ni où. Est-ce que tout cela en valait la peine? Le bruit des roues de ma valise se faisait de plus en plus fort, les battements de mon cœur aussi, mais mon esprit était déjà ailleurs, « Voilà, c’est ici que tout commence, à bord de cet avion », ai-je pensé avant de m’endormir pour le reste du voyage.

L’hiver torontois était plus froid que toutes les saisons des pluies que j’avais déjà connues. Le vent me piquait le visage comme un million de petites aiguilles, jusqu’à ce que Shaun, un membre de mon comité local de l’EUMC, me fit un sourire chaleureux et m’offre son point en guise de poignée de main pour m’accueillir tout en respectant les protocoles Covid-19. Après avoir bavardé un peu, il m’a tendu une longue écharpe tricotée et des gants, puis il m’a conduite à l’hôtel où j’allais passer les trois prochaines semaines en quarantaine. Tuba, une autre membre du comité locale qui souriait avec ses yeux derrière son masque, se tenait debout avec un signe qui disait : « Le Humber College te souhaite la bienvenue », et deux paniers pleins de collations. Mon ami, c’est ça Toronto!

En janvier 2021, l’Ontario était encore soumise à plusieurs mesures Covid-19 qui s’appliquaient dans les lieux publics tels que les résidences scolaires, où les contacts étaient limités. La fameuse règle des deux mètres de distance était obligatoire et la plupart des espaces étaient fermés, y compris les salles de classe. Tous les cours se déroulaient en ligne et, à ce moment-là, il s’agissait du seul mode de communication dont nous disposions. Je ne connaissais pas un chat dans cette ville et j’étais en grand manque de compagnie; la solitude était terrifiante. Cela dit, je suis reconnaissante envers mon comité local qui, en dépit de toutes les mesures en place, s’est battu pour s’assurer que je me sentais en sécurité et moins isolée grâce à des échanges en ligne et des contacts à distance.

Je ne prétendrai pas que je savais ce que je faisais à l’école; ce n’était pas le cas. Jamais de ma vie je n’aurais imaginé suivre un cours de conception Web, et pourtant j’étais là à taper des codes à l’ordinateur et à leur donner vie. Je détestais tellement ça, c’était difficile. Je croyais que les communications médiatiques impliquaient que je me retrouve devant ou derrière la caméra, mais je ne me doutais pas qu’il y avait plus.

Quand j’étais petite, je m’amusais à prétendre que j’étais l’actrice principale d’un film avec une co-star appelée Jack, qu’est-il donc arrivé à Jack? À l’adolescence, j’étais plutôt timide et réservée, mais j’excellais dans mes cours de théâtre et de littérature. Cependant, quand on vient d’une famille africaine typique, on fait des études de médecine, de droit ou de génie. Pour une raison que j’ignore, je croyais que ce serait moi la médecin de la famille, jusqu’au jour où j’ai échoué tous mes examens finaux de sciences. C’est pourquoi j’étais si confuse lorsqu’est arrivé le moment de choisir le programme auquel m’inscrire à l’université. Je ne le dirai jamais assez, mon comité local et l’école m’ont soutenue au moyen de services de conseil et d’orientation professionnelle; c’est ainsi que je me suis retrouvée en communications médiatiques au Humber College. Bien que les premiers semestres étaient en ligne, l’engagement du corps professoral et de mes collègues était de niveau supérieur, c’était presque trop beau pour être vrai. Je me suis toujours méfiée; je pensais que je devrais faire quelque chose en retour pour eux, mais non, il s’agissait simplement d’un groupe de personnes dévouées qui ne cherchaient qu’à soutenir une fille en territoire très étranger.

Quand on quitte sa première maison, on a l’impression que tout espoir est mort, que tout ce que l’on a connu n’existe plus et que ce qui nous attend est incertain. Quand on arrive à la prochaine destination, tout ce que l’on fait, c’est continuer à vivre dans l’espoir qu’il y a plus à sa vie que ce que l’on a déjà vu, et dans cet espoir, il y a la manifestation; permettez-moi d’être votre exemple vivant.

Le 14 juin 2022, j’ai obtenu mon diplôme de Humber College et on m’a décerné le Prix du Conseil des gouverneurs, un honneur dédié à une finissante ou un finissant qui a atteint ses objectifs scolaires tout en s’acquittant d’importants engagements universitaires, communautaires ou personnels. Lorsque j’ai reçu ce prix, je ne me suis pas nécessairement reconnue dans tout ce qui était dit. Ce que j’ai vu, en revanche, c’est une fille qui n’avait rien d’autre que ses rêves. Des rêves rendus possibles par une communauté de supporters. L’EUMC, qui a cru en ma vision et a pris les actions nécessaires. Windle International Uganda, qui a servi d’intermédiaire entre nous, les étudiantes et les étudiants et l’EUMC. Le Humber College, qui a été non seulement mon établissement d’enseignement, mais aussi ma famille, et le Canada, pour avoir accueilli des milliers de personnes qui ont quitté leur pays dans des circonstances similaires aux miennes.

Pour arriver où je suis, ma famille m’a soutenue à distance, en priant pour moi et en m’encourageant constamment. Mes amis restés au pays ont gardé contact avec moi, alors que la communauté de mon église à Toronto était à mes côtés en tout temps pour me soutenir moralement et spirituellement. Mes proches à la résidence ont rendu nos soirées amusantes et gaies. La dame de la cafétéria se souvenait de mon anniversaire et riait toujours de bon cœur quand elle me voyait. Ce serait fou d’omettre le corps professoral et les autres membres du personnel (surtout mon superviseur), qui ont continué à me pousser du mieux qu’ils pouvaient vers mon but. La famille de l’EUMC à Toronto; les élèves qui ont bénéficié du Programme d’étudiantes et d’étudiants réfugiés, nous sommes devenus une grande famille où nous sommes là les uns pour les autres.

Le 14 juin 2022, alors que je me tenais sur la scène lors de ma remise des diplômes et que je recevais ce prix, je me suis dit que c’était grâce à la philosophie ubuntu, une chanson que je chante dès que possible « Umuntu ngumuntu ngabantu », qui se traduit par « Je suis parce que nous sommes. » La communauté, c’est l’un des plus beaux cadeaux offerts à l’humanité. Comme le raconte le célèbre proverbe africain : « Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin. » Ma communauté m’a soutenue dans les moments difficiles, m’a activement aidée à trouver des solutions au besoin et a célébré avec moi mes réussites. Même en pleine pandémie, je n’étais jamais seule.

Alors que je regarde en arrière, je constate que j’ai énormément progressé au cours de la dernière année et demie, autant sur le plan scolaire que social. Au-delà des attentes, j’ai appris que chaque individu est indispensable à l’atteinte d’un objectif commun : nous avons toutes et tous un rôle à jouer pour que le monde aille de l’avant.

À tous les jeunes gens qui feront partie de la cohorte automnale du Programme d’étudiantes et d’étudiants réfugiés, je tiens à vous souhaiter la bienvenue dans cette nouvelle aventure. Qu’elle vous serve de lumière et vous guide vers vos ambitions les plus chères. Je vous assure que de grandes choses vous attendent! Bienvenue au sein de la famille et de la communauté de l’EUMC.

  • Acha Patanjali, autrice et poète

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