Réflexion sur une décennie de programmation pour l’éducation des filles au Kenya
Les apprentissages de notre travail pour améliorer l’éducation des filles dans les camps de réfugiés de Kakuma et de Dadaab et les communautés d’accueil environnantes dans les comtés de Turkana, Garissa et Wajir au Kenya
Cela fait une décennie que l’EUMC et ses partenaires ont lancé le Kenya Equity in Education Project (KEEP). Au cours de cette période, nous avons développé des partenariats clés pour soutenir les filles et leurs communautés dans 84 écoles à travers le Kenya pour offrir une gamme d’interventions. Nous avons aussi travaillé en étroite collaboration avec les responsables nationaux de l’éducation pour contribuer à l’amélioration de l’éducation des filles. Alors que ce projet touche à sa fin, nous avons beaucoup de choses à célébrer et de nombreux apprentissages à partager. Ce blogue mettra en lumière les principaux résultats et les réussites du projet et soulignera les leçons importantes que nous en avons tirées.
Les filles vivant dans les camps de réfugiés de Kakuma et de Dadaab, ainsi que dans les communautés d’accueil environnantes des comtés de Turkana, Garissa et Wajir au Kenya, sont confrontées à une multitude de défis qui affectent leur capacité à accéder à l’éducation.
Des normes sociales et des stéréotypes de genre profondément ancrés limitent la valeur perçue de l’éducation d’une fille et, à la place, mettent l’accent sur le travail domestique et même le mariage précoce. En outre, la faible estime de soi et les pratiques traditionnelles néfastes affectent les ambitions des filles et leur sentiment d’autonomie pour prendre des décisions concernant leur vie et leur avenir.
Pour celles qui s’inscrivent, les écoles sous-financées, les salles de classe surpeuplées et les enseignants ayant une formation ou un soutien limités signifient que la qualité de l’éducation a toujours été faible.
Dans les comtés de Turkana, Wajir et Garissa (là où nous opérons), nous enregistrons régulièrement les taux de scolarisation bruts les plus bas, le ratio élèves-enseignants le plus élevé et le rendement scolaire le plus faible du pays.
De plus, l’expertise et les ressources limitées signifient que les écoles et les enseignants ne savent pas toujours comment mieux soutenir et répondre aux besoins et au développement social et émotionnel des apprenants.
En raison de ces difficultés, de nombreuses filles de ces communautés ne vont pas à l’école ou sont forcées d’abandonner avant de terminer leurs études primaires ou secondaires.
Lancé en 2013 avec le financement du Foreign, Commonwealth and Development Office (FCDO) du Royaume-Uni dans le cadre de leur Girls Education Challenge (GEC), KEEP a été conçu pour s’attaquer aux multiples obstacles auxquels les filles sont confrontées lorsqu’elles veulent accéder à l’éducation, poursuivre leurs études et les réussir. Grâce à une approche à plusieurs volets, KEEP a soutenu les filles, les systèmes scolaires et les communautés grâce à un éventail d’interventions.
FACTEURS DE SUCCÈS
Voici un aperçu des principales interventions visant à améliorer l’inscription, la rétention et la qualité de l’éducation.
PRINCIPAUX SUCCÈS ET RÉSULTATS
Fréquentation : les taux de fréquentation des filles ont augmenté tout au long du projet. Les transferts monétaires ont eu un effet positif sur la fréquentation, la rétention et la transition du primaire au secondaire. Les filles recevant des transferts monétaires ont maintenu un taux de fréquentation de plus de 90 % tout au long du projet, même après les fermetures d’écoles liées à la COVID-19.
« La mise en œuvre des transferts monétaires s’est poursuivie même lorsque les écoles ont rouvert, ce qui a vraiment aidé les filles à retourner à l’école. Je peux dire que certaines d’entre elles ne sont revenues à l’école que pour obtenir cet argent parce que, sinon, il leur aurait manqué. » Conseillère d’orientation, Dagahaley
Les acteurs communautaires ont également indiqué que les bourses KEEP étaient un important facteur de motivation pour garder les filles à l’école et les encourager à bien réussir.
Qualité de l’enseignement et de l’apprentissage : depuis le début du projet, le nombre de filles qualifiées pour passer les examens nationaux augmente chaque année à Kakuma, Dadaab et dans les communautés d’accueil environnantes. En outre, les filles figurent désormais parmi les meilleures élèves des examens nationaux de fin d’études primaires et secondaires, ce qui n’était pas le cas avant KEEP.
Cependant, les perceptions des filles sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement sont mitigées et variées selon les régions. À Garissa, la proportion de filles qui ont reconnu que leurs enseignants les avaient bien accueillies et qu’elles avaient reçu le soutien dont elles avaient besoin pour réussir à l’école a augmenté, mais diminué pour Turkana. Et bien qu’il existe des preuves de connaissances partagées entre enseignants formés et non formés, cela variait considérablement selon l’école.
« Nous bénéficiions auparavant des enseignants qui suivaient la formation. Personnellement, lorsque j’ai eu du mal à gérer les grandes salles de classe, j’ai été aidée par l’un des enseignants qui était allé suivre la formation, et je suis maintenant capable de gérer ma classe sans difficulté. » Enseignante de l’école secondaire pour réfugiés de Kakuma
Compétences de vie et efficacité personnelle : il y a eu des gains importants dans l’estime de soi, la confiance personnelle et la prise de décisions, qui sont toutes des compétences de vie essentielles et qui soutiennent le sentiment d’autonomie et de prise de décisions des filles. Une étude menée dans la dernière année du projet a montré une augmentation de 6% (48% à 54%) de la confiance en soi chez les filles et a inclus des preuves que l’éducation aux compétences de vie peut être un outil puissant pour l’engagement scolaire et la motivation, Ces deux éléments sont des précurseurs essentiels de la réussite scolaire. Toutes les filles ont déclaré qu’elles se sont fait de nouveaux amis et ont augmenté leurs réseaux de soutien social. Les filles ont également déclaré qu’elles se sentaient plus habilitées à prendre des décisions, y compris quand et si elles se mariaient.
KEEP a mis l’accent sur le besoin d’orientation et de conseil dans les écoles. En fin de parcours, les unités d’orientation et de conseil sont fonctionnelles dans toutes les écoles KEEP et sont reconnues comme ayant contribué à un environnement plus favorable pour les apprenantes, en particulier lorsque les enseignantes et les conseillères d’orientation sont des femmes. Les acteurs communautaires ont eu des réactions mitigées au sujet du potentiel de l’évolution des compétences de vie par l’entremise de mentors au niveau scolaire.
Attitudes et perceptions communautaires : la grande majorité des acteurs communautaires interrogés ont signalé un changement positif dans les attitudes à l’égard de l’éducation des filles et une sensibilisation accrue aux obstacles à l’éducation auxquels font face les filles. La proportion de filles interrogées qui déclarent obtenir le soutien de leur famille, dont elles ont besoin pour rester à l’école et bien réussir, est restée élevée. Les efforts d’engagement communautaire du projet par la radio, le cinéma et des séances de dialogue direct sur l’importance d’éduquer les filles ont contribué à un changement dans les attitudes communautaires envers l’éducation des filles et l’autonomisation globale.
Gouvernance et gestion de l’école : KEEP se concentre sur le renforcement des capacités des conseils de gestion et des associations de parents en améliorant les connaissances et les compétences en gestion de projet, en mobilisation des ressources et en conduite d’analyses de genre. Au cours du projet, 59 % de la gouvernance et de la gestion de l’école ont indiqué une connaissance accrue des questions de genre et de la protection de l’enfance, et 73 % des conseils de gestion et des associations de parents ont mis en place des programmes de sensibilisation pour accroître la participation des filles, leur rétention et leur transition dans leurs communautés scolaires respectives.
APPRENTISSAGES CLÉS
Tout au long de la mise en œuvre de KEEP, nous avons acquis une meilleure compréhension de ce qui fonctionne (et de ce qui ne fonctionne pas) lorsqu’il s’agit de soutenir l’éducation des filles. Dix ans plus tard, nos apprentissages de KEEP réaffirment l’efficacité des approches que nous utilisons et de la façon dont nous réalisons nos projets et nous présentent de nouveaux apprentissages qui nous permettent de continuer à améliorer notre travail. Nos réflexions les plus importantes et les leçons apprises pour la conception et la mise en œuvre des programmes d’éducation des filles comprennent :
1. Une compréhension nuancée du contexte opérationnel est essentielle: nos expériences avec KEEP ont confirmé notre conviction qu’une seule approche ne suffit pas à répondre aux besoins uniques et en constante évolution dans des contextes opérationnels dynamiques et diversifiés. Non seulement les contextes d’accueil des réfugiés changent rapidement, mais dans le contexte de KEEP, les deux sites du projet : Kakuma (accueillant principalement des ressortissants sud-soudanais) et Dadaab (accueillant principalement des ressortissants somaliens) présentent des différences marquées en termes de culture, de normes et d’attitudes dominantes, et de restrictions opérationnelles. Ceci, ainsi que les afflux imprévisibles de nouveaux arrivants, les fermetures de camps et les effets de la pandémie de Covid-19, signifie que notre compréhension d’un contexte doit non seulement être nuancée, mais aussi fluide et évolutive. Il est essentiel d’adapter la conception et la mise en œuvre du programme pour répondre à ces besoins uniques et de rester souple face aux adaptations continues pour assurer le succès du programme.
2. La collaboration avec les principaux acteurs de l’écosystème est essentielle au succès et à la durabilité : cette leçon clé a également réaffirmé l’efficacité de notre approche de partenariat avec divers intervenants dans la prestation de nos programmes. La pertinence et la durabilité des interventions éducatives sont améliorées lorsque leur conception est alignée sur la prestation du système éducatif national et lorsqu’elles sont développées en collaboration avec les acteurs de l’écosystème éducatif national et local. Avoir une solide compréhension des systèmes, des structures, des acteurs et de la dynamique existants dans l’espace opérationnel permet aux programmes d’identifier et d’utiliser les points d’entrée critiques et de se concentrer sur la complémentarité, la valeur ajoutée et la durabilité, plutôt que de dédoubler les efforts et de travailler en vase clos. S’appuyant sur les enseignements tirés de la première phase de KEEP, nous avons modifié notre approche, passant de la prestation directe de formation, d’orientation et de conseils aux enseignants dans les écoles à la collaboration avec le ministère de l’Éducation et la Commission des services aux enseignants. En conséquence, KEEP a influencé le renforcement de la politique nationale d’orientation et de conseil, ainsi que la capacité des responsables de l’éducation qui fournissent un soutien au développement professionnel des enseignants.
3. L’autonomisation doit être essentielle pour que les programmes soient véritablement moteurs de changement : mettre au centre de la programmation non seulement le choix individuel et l’autonomie des filles est plus stimulant, mais aussi plus efficace et durable. Plutôt que d’assumer ce qui est le mieux pour les filles, donner aux filles les outils nécessaires pour prendre des décisions et agir selon leurs propres choix élimine toute notion prédéterminée de réussite et fait des priorités des filles nos propres priorités. C’est quelque chose que nous avons intégré dans les programmes d’éducation des filles subséquents pour veiller à ce que les filles aient le pouvoir de choisir le parcours d’éducation et d’emploi qui leur convient le mieux. Il est essentiel que cela soit complété par un engagement communautaire coordonné pour générer un soutien familial et communautaire actif et significatif qui supporte et permet l’autonomisation des femmes.
4. Un soutien efficace en matière d’orientation et de conseil peut améliorer la participation et le rendement des filles à l’école : dans les environnements fragiles, la sécurité et le bien-être psychosocial sont d’autant plus critiques que les défis sont amplifiés et les vulnérabilités accrues. Il est nécessaire d’investir dans des approches à plusieurs niveaux pour élaborer et renforcer des mesures de protection pour les apprenants, en particulier les filles, afin de garantir que les écoles et les communautés sont sûres et soutiennent tous les jeunes. Renforcer le soutien scolaire aux soins psychosociaux par la mise en place d’unités fonctionnelles d’orientation et de conseil et doter le personnel scolaire des connaissances et des compétences nécessaires pour soutenir l’apprentissage social et émotionnel, ainsi que le renforcement des voies d’aiguillage pour accroître l’accès à des services de soutien spécialisés contribue à améliorer la rétention, la participation et le rendement à l’école.
5. Le changement de comportement exige des investissements et des interventions soutenus qui vont au-delà de la sensibilisation : le travail de mobilisation communautaire de KEEP reposait sur des messages généraux axés sur la sensibilisation, ce qui a entraîné certains changements dans les connaissances et les attitudes, mais les preuves de la mise en œuvre de ces changements étaient limitées. Nous avons appris que les interventions conçues pour favoriser le changement de comportement doivent être abordées différemment, surtout en ce qui concerne l’engagement communautaire. Nous nous sommes appuyés là-dessus dans d’autres programmes à Kakuma, où nous mettons en œuvre une approche beaucoup plus globale qui fait passer les membres de la communauté par une approche progressive qui va au-delà du partage de l’information et met l’accent sur un vaste processus de réflexion personnelle et d’action collective de la part de la communauté. En Ouganda, nous avons également mis en place des fonds d’intervention flexibles pour aider les communautés à concevoir, financer et mettre en œuvre des innovations et des solutions qui soutiennent l’éducation des filles.
Les succès de KEEP n’auraient pas été possibles sans le soutien de FCDO et de nos partenaires de programmation, notamment Africa’s Voices Foundation, FilmAid, CGA Technologies, et White Ribbon, ainsi que le travail et le dévouement continus des enseignants, des responsables de l’éducation et des défenseurs communautaires à Kakuma, Dadaab, Turkana et Garissa.
Pour en savoir plus sur les approches, les interventions, l’impact et les enseignements de KEEP, consultez notre KEEP Project Reflection sur le site Girls’ Education Challenge (GEC), ainsi que des résumés d’apprentissage d’autres projets GEC du monde entier.
Pour en savoir plus sur le travail de l’EUMC pour soutenir l’éducation des filles, jetez un coup d’œil à notre travail actuel au Kenya, en Ouganda, au Soudan du Sud et au Mali, qui s’appuient tous sur les réussites et les enseignements de KEEP.
Pour soutenir ce travail, apprenez-en plus sur la campagne SonAvenir et faites un don.
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