Une agricultrice raconte son histoire — avec un coup de main de l’équipe PROPEL de l’EUMC
Ayodele Sampson a réussi à vivre 40 ans sans jamais avoir à prendre la parole en public. On peut donc comprendre que l’agricultrice guyanaise était très nerveuse lorsqu’elle s’est retrouvée derrière le lutrin et a regardé la mer de visages inconnus, principalement des représentantes et représentants agricoles du gouvernement et du secteur privé. Elle a rapidement reconnu dans l’assistance une membre du personnel de l’EUMC qui lui avait promis d’être là pour l’encourager, et elle a commencé à se détendre. Les participantes et participants au forum l’ont encouragée à partager son histoire et l’ont écoutée activement alors qu’elle racontait son expérience en tant que femme et agricultrice en Guyane.
Concevoir des programmes basés sur les réalités des femmes et des jeunes en agriculture était un forum multipartite tenu en octobre 2017 par l’équipe PROPEL de l’EUMC en Guyane. Le but du forum était simple : 1) Permettre aux représentantes et représentants d’entendre les femmes et les jeunes du secteur agricole parler des défis auxquels ils font face, et 2) Trouver des solutions auprès des participantes et participants grâce à une collaboration active. Le forum a connu un succès retentissant. Il est aussi le fruit de beaucoup de travail.
Krysten Sewett est facilitatrice de systèmes de marché auprès de l’initiative PROPEL de l’EUMC dans les Caraïbes. Cette initiative cherche à connecter les acheteurs de produits frais aux agricultrices et agriculteurs caribéen-ne-s, les transformateurs et les entreprises connexes par l’entremise de la facilitation d’un marché inclusif. À la mi- année 2017, l’équipe du Guyana s’est rendue compte que certaines des activités du projet n’atteignaient pas autant de bénéficiaires féminins que le projet avait espéré. Le personnel s’est rendu compte que des consultations avec ce groupe cible étaient nécessaires pour l’orientation de la programmation future.
Krysten décrit la première rencontre de son équipe pour sonder les agricultrices sur les défis auxquelles elles font face, en préparation de l’événement : « Nous étions en mode “PROPEL”, avec nos chemises au logo de l’EUMC ; nous parlions de façon formelle et poussions trop pour avoir des réponses. » En fixant la rencontre, l’équipe n’a pas pris en considération l’horaire des agricultrices — si c’était un jour de marché, par exemple, ou si les femmes avaient à s’occuper de jeunes enfants. « Nous n’avons pas pris en considération leur réalité, » se rappelle Sewett.
Sans trop de surprise, il y avait peu de participantes et les agricultrices n’étaient pas très ouvertes. Sewett et ses collègues savaient que leur approche devait changer.
Une deuxième chance de rencontrer les agricultrices là où elles sont
Le personnel de l’EUMC a décidé de convoquer une deuxième rencontre moins formelle avec un groupe d’agricultrices. L’idée était de créer un contexte décontracté où les femmes pourraient parler et partage leurs préoccupations entre elles plutôt que de simplement répondre aux questions du personnel de l’EUMC. Plus d’agricultrices ont participé à cette deuxième rencontre. Sewett fait remarquer « que c’était un sacrifice pour elles de venir », — en raison des contraintes de temps et des responsabilités conflictuelles —, « mais elles voulaient vraiment être là. Il s’agit d’enjeux importants pour elles, et elles n’ont pas beaucoup d’occasions d’être entendues ».
Après avoir échangé leurs histoires, elles ont identifié plusieurs défis communs, dont l’accès aux terres, le vol de récoltes, l’accès au crédit et le harcèlement sexuel. La discussion a permis aux agricultrices de clarifier les problèmes et de suggérer des solutions possibles.
Pour Sampson, cette deuxième rencontre a été une révélation. « C’était très interactif, très informatif. Nous avions chacune notre propre histoire à raconter et nous venions de différents milieux. Moi, par exemple, j’ai dit que j’avais un problème majeur avec le harcèlement sexuel… et d’autres m’ont dit que je n’étais pas seule. Certaines d’entre nous sont encore amies depuis ce jour. »
Encourager les agricultrices à raconter leurs histoires aux leaders de la communauté
Après la rencontre, le personnel de l’EUMC a approché trois femmes et leur a demandé si elles voulaient représenter leurs pairs en tant que conférencières au prochain forum multipartite. Pendant deux semaines, les agricultrices ont participé à des sessions intensives au bureau de l’EUMC sous le mentorat du personnel qui leur a donné les outils et le soutien pour raconter leurs histoires avec confiance.
Avant cette expérience de mentorat, Sampson a dit qu’elle et les autres agricultrices n’auraient pas été à l’aise de dire : « C’est ça le problème, nous nous faisons voler, les hommes reçoivent de meilleurs prix pour leurs produits. » Quand elle s’est fait demander pourquoi, Sampson a répondu : « La société ne prend pas les femmes au sérieux, je veux dire, en Guyane, et si vous voulez être agricultrice, ils ne vous prendront pas au sérieux. Alors nous gardons tout à l’intérieur. L’EUMC nous a donné le courage de dire ce qui se passe, ce qui nous affecte. »
Sampson a elle-même fait un peu de recherche sur les défis auxquels les agricultrices font face dans l’accès au crédit et aux terres. Elle s’est aperçue que « ce n’est pas qu’en Guyane; partout dans le monde les femmes font face à ces choses… Cette information m’a donné confiance et m’a encouragée à sortir et à parler de ces choses — écoutez la femme qui est sur la ferme et qui compose avec ces choses ! »
Faire la lumière sur l’inégalité des genres en agriculture lors du forum multipartite
Le mentorat et la préparation ont porté leurs fruits lors du forum multipartite. Avec leurs présentations et leurs histoires bien préparées en main, « les femmes ont parlé avec émotion et conviction », se souvient Sewett. « Vous pouviez voir que les participantes et participants étaient captivé-e-s par leurs histoires. »
Sampson a choisi de parler au forum de son expérience avec un représentant du gouvernement qui lui avait demandé des faveurs sexuelles, promettant en échange que la ferme de Sampson aurait du succès. Cette rencontre l’avait effrayée. « Nous, les femmes, ne voulons pas parler de ça, mais quelqu’un doit prendre la parole. Je ne suis pas entrée dans les détails de ce qui m’est arrivé, j’ai seulement effleuré le sujet, mais je devais dire quelque chose parce que c’est la réalité à laquelle nous faisons face ici. »
Elle a aussi parlé de son premier voyage seule au marché, pour vendre ses melons d’eau, alors qu’un homme l’a trompée en lui faisant vendre ses produits à un prix beaucoup plus bas que ce qu’ils valaient.
La réponse de l’assistance à sa présentation a été extrêmement positive. Et il y a même eu un impact plus profond. « Je pense encore à ce que j’ai appris et à comment je peux aider à autonomiser d’autres femmes. Parce que la plupart des agricultrices et agriculteurs, particulièrement les femmes, sont illettrés-e-s, ils ne voudraient pas s’exprimer. » Après le forum et la publicité qui a suivi dans les journaux nationaux, d’autres agricultrices de la même île ont commencé à chercher Sampson. Elle affirme : « Elles veulent me parler plus. Elles sont fières de moi, et je me sens vraiment bien, vraiment bien. »
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Les femmes rurales représentent la majorité des 43 % de femmes qui constituent la main-d’œuvre agricole dans le monde. Pourtant, moins de 20 % des propriétaires terriens à travers le monde sont des femmes, et dans les régions rurales, l’écart de revenu entre les femmes et les hommes peut être aussi élevé que 40 %. Cet état de fait est dû aux inégalités et à la discrimination enracinées qui font que les femmes ont moins accès aux capitaux, aux infrastructures et aux services, à un travail décent et à une protection sociale. Les femmes sont donc plus vulnérables aux effets des changements climatiques (ONU Femmes).
Avec le soutien de l’EUMC, les femmes rurales de la Guyane font d’importants progrès vers l’égalité des genres, réduisant les obstacles qui empêchent l’accès des femmes à une prospérité économique plus équitable. En cette Journée internationale des femmes, l’EUMC célèbre les femmes comme Ayodele Sampson dont le leadership et l’engagement dans le domaine de l’égalité aident à transformer la vie des femmes en Guyane. Alors que nous célébrons la Journée internationale de la femme, nous nous associons aux femmes du monde entier pour dire L’HEURE EST VENUE.
Pour de plus amples informations sur les activités du gouvernement du Canada dans le cadre de la Journée internationale des femmes, consultez : #MonFéminisme.
Pour de plus amples informations sur le thème d’ONU Femmes dans le cadre de la Journée internationale des femmes, visitez : « L’heure est venue : Les activités rurales et urbaines transforment la vie des femmes ».
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