Le financement social stimule l’entrepreneuriat des femmes au Sri Lanka
Par Nadeesha Jayasinghe, volontaire Uniterra, Lanka Impact Investing Network, Sri Lanka
Au Sri Lanka, les micro, petites et moyennes entreprises contribuent à 45 % du PIB. Pourtant, seuls 25 % des entrepreneur.e.s sont des femmes. Le manque de confiance, l’accès limité au crédit et le manque de littératie financière sont quelques-uns des obstacles qui contribuent à la faible représentation de l’entrepreneuriat des femmes.
Voici l’histoire de l’expérience de Nadeesh Jayasinghe en matière de finance sociale qui a stimulé l’entrepreneuriat des femmes au cours de son mandat au Sri Lanka.
Je poursuis en mandat de volontariat dans le cadre du programme Uniterra avec le Lanka Impact Investing Network (LIIN), à Colombo, au Sri Lanka, depuis septembre 2019, en tant que conseillère en marketing et en stratégie. Le LIIN est l’une des premières organisations sri-lankaises d’investissement d’impact, canalisant les capitaux et le soutien aux micro, petites et moyennes entreprises qui trouvent des solutions aux problèmes sociaux et environnementaux urgents. LIIN espère réduire les obstacles à l’investissement d’impact et stimuler l’entrepreneuriat social, en particulier chez les femmes entrepreneures, et, ultimement, favoriser une croissance économique inclusive au Sri Lanka.
Le financement social m’a rassurée sur la capacité du secteur financier et des investissements à favoriser le changement
Pour être honnête, avant cette mission, j’avais très peu d’expérience dans les secteurs de la finance et de l’investissement. En fait, je voyais le monde de la finance comme la racine de nombreux problèmes sociaux, où les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. De plus, ayant travaillé dans le secteur du développement communautaire pendant de nombreuses années, j’avais été témoin des inefficacités dans les secteurs de l’aide et du développement, particulièrement caractérisés par une forte dépendance vis-à-vis des pays développés et des institutions financières, ce qui entraînait une dette perpétuelle. En conséquence, j’étais également sceptique quant au travail de développement et à sa durabilité.
Mon point de vue a toutefois changé lorsque j’ai rejoint le LIIN au Sri Lanka. J’ai commencé à voir le potentiel du financement social dans la promotion d’un changement durable. J’apprends tellement de choses sur le financement social et je me considère chanceuse de participer à la planification stratégique du LIIN dans le cadre de mon mandat. Jusqu’à présent, pendant mon mandat au LIIN, j’ai soutenu la création et le travail préparatoire d’une conférence internationale sur l’investissement d’impact appelée Converge South Asia, qui se tiendra en septembre 2020. Première du genre en Asie du Sud, cette conférence réunira les leaders de l’investissement d’impact pour développer et nourrir l’écosystème de l’entrepreneuriat social de la région. J’apporte également mon soutien à la rédaction de propositions, aux activités de recherche, ainsi qu’au développement et à la planification de diverses initiatives telles que le programme d’incubation LIINked Way et la création d’un conseil consultatif national pour l’investissement d’impact, tous deux pilotés par le LIIN.
Le « Mur des éléphants » et l’inclusion sociale
Je trouve l’approche du LIIN en matière d’inclusion économique unique et intéressante. Au lieu de se contenter d’accorder des prêts, il adopte une approche de « prise en main » et accompagne les entrepreneur.e.s sociales.aux tout au long de leur cycle de vie entrepreneuriale, jusqu’à ce qu’elles/ils atteignent la maturité et soient en mesure de faire des bénéfices et de développer leur entreprise. Cette approche permet de former des entrepreneur.e.s confiant.e.s et résilient.e.s. Le LIIN veille également à ce que ses programmes offrent des possibilités aux stagiaires d’utiliser les compétences acquises, contrairement aux approches traditionnelles où les stagiaires n’ont souvent pas la possibilité de mettre en pratique leurs acquis.
Un exemple de l’approche du LIIN en matière de prise en main est visible dans l’émission de télé-réalité, Ath Pavura, qui est co-fondée par le LIIN et Social Enterprise Lanka. Première du genre au Sri Lanka, Ath Pavura est une initiative qui facilite l’investissement dans les entrepreneur.e.s sociales.aux en herbe et existant.e.s afin de donner un coup de fouet à leurs entreprises et de garantir les investissements, tout en leur donnant la possibilité d’élargir leur réseau.
De conception similaire à celle des émissions télévisées Dragon’s Den et Shark Tank, Ath Pavura se distingue des deux premières par son approche plus nourricière et son rôle de mentor. Alors que les deux premières émissions personnifient les investisseur.euse.s comme des personnes prédatrices, les investisseur.euse.s de la seconde sont des personnes protectrices.
Ath Pavura signifie littéralement, Mur des éléphants. La métaphore signifie un mur formé par des éléphants plus âgés se tenant les uns à côté des autres, formant une barrière pour protéger leurs petits dans la nature. Les investisseur.euse.s d’impact qui participent à l’émission sont connu.e.s sous le nom de « défenses » et les entrepreneur.e.s sociaux, sous le nom de jeunes éléphants. L’idée est qu’ensemble, les jeunes éléphants et les défenses contribueront à façonner un paysage d’entrepreneuriat social qui favorisera une croissance économique inclusive au Sri Lanka.
L’approche du LIIN pour stimuler les femmes entrepreneures sociales
Le LIIN joue un rôle clé dans la facilitation de l’entrepreneuriat inclusif où l’accent est mis sur les femmes dans l’entrepreneuriat social afin de les aider à surmonter les obstacles en tant qu’entrepreneures et, par conséquent, de stimuler l’entrepreneuriat chez les femmes.
Selon le rapport de l’EUMC, Cartographie de l’investissement à optique de genre dans les pays du Sud, certains des défis rencontrés dans la mise en œuvre de l’investissement selon le genre au Sri Lanka comprennent :
- Manque de sensibilisation et de connaissance des questions de genre, d’égalité des genres et d’investissement à optique de genre dans l’écosystème entrepreneurial existant.
- Manque d’organisations qui adoptent l’investissement à optique de genre.
- Il y a peu d’investisseures et de femmes dans les espaces décisionnels au Sri Lanka et cela conduit à la réticence des mécanismes d’investissement à adopter une perspective de genre.
- Les entreprises dirigées par des femmes présentent généralement un partenaire masculin comme visage de l’entreprise, ce qui fait que les investisseurs ne voient et n’accordent généralement pas d’importance aux femmes en coulisse.
Le LIIN a pris l’initiative de relever ces défis sur plusieurs fronts. Tout d’abord, la présence d’une conseillère en genre au sein de l’équipe a permis de créer un environnement de travail sensible au genre tout en permettant à l’organisation d’appliquer une optique de genre dans tous ses programmes. Cela a créé un précédent dans l’écosystème d’investissement, et il faut espérer que davantage d’organisations du réseau accorderont la priorité au besoin de développer les capacités et la sensibilité afin de promouvoir le genre et l’inclusion et l’équité sociales.
Ensuite, reconnaissant le fait que le leadership et la participation des femmes au développement des entreprises sociales et à l’investissement d’impact sont très limités au Sri Lanka, le LIIN a développé le programme Emerging Women pour créer un environnement accessible, qui favorise la participation des femmes à l’entrepreneuriat.
Certaines des activités du programme sont les suivantes :
Sommet Emerging Women (EWS)
Le LIIN a organisé le premier EWS en avril 2019, à Colombo. L’événement a offert un nouvel espace de rencontre, de collaboration et de mentorat aux femmes entrepreneures et investisseures passionnées par la transformation sociale et environnementale. Il a également permis d’accroître la visibilité et la participation des femmes et des femmes leaders dans le paysage de l’investissement d’impact et des entreprises sociales au Sri Lanka. Plus de 100 parties prenantes et entreprises sociales étaient présentes. Depuis lors, le EWS a été accueilli à Jaffna et à Kandy. En 2020, le LIIN prévoit de tenir le EWS dans toute l’île.
Cercle de mentorat des femmes
Le cercle de mentorat est conçu pour autonomiser, encourager et guider les femmes dans leur parcours entrepreneurial en les mettant en relation avec des professionnelles établies. Ce cercle de mentorat sera également une plateforme pour le développement d’un réseau de femmes entrepreneures.
Politique en matière de genre
Il n’existe actuellement aucune définition universelle de l’entreprise sociale et le terme n’est pas réglementé. Grâce à l’écosystème de l’entrepreneuriat social au Sri Lanka et au-delà, le LIIN espère créer une carte politique qui puisse aider à définir les critères d’une entreprise sociale. Une carte claire peut être un tremplin pour régulariser le cadre de l’entreprise sociale. À cet égard, il est également essentiel de créer une politique en matière de genre pour que le LIIN puisse établir un cadre clair d’égalité et d’équité entre les genres non seulement au sein de l’organisation, mais aussi dans l’ensemble de l’écosystème entrepreneurial.
C’est la première fois que j’entends parler de ce type de pratiques de financement et d’investissement utilisées à la base dans le secteur des MPME. Je crois que c’est une stratégie révolutionnaire pour créer des opportunités économiques par l’investissement, tout en promouvant des résultats sociaux et environnementaux positifs, y compris l’entrepreneuriat féminin et l’égalité des genres. Je suis convaincue que si elle est bien utilisée, cette approche peut réellement favoriser une croissance équitable au Sri Lanka, en aidant les femmes et d’autres groupes marginalisés à accéder aux opportunités économiques et à en tirer profit.
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À propos du programme Uniterra
Uniterra est un programme canadien de coopération volontaire et de développement international qui est géré conjointement par l’EUMC et le CECI (Centre d’étude et de coopération internationale). Le programme soutient un développement économique inclusif au profit des femmes et des jeunes dans 14 pays d’Afrique, d’Asie et des Amériques. Uniterra travaille avec des partenaires clés les secteurs privé, public et de la société civile pour faciliter la croissance et le changement dans les marchés qui ont le plus d’impact sur les personnes marginalisées.
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